Covid-19 : les producteurs africains de bananes assurent un approvisionnement continu tout en garantissant la santé de leurs employés
14 avril 2020« Pour les bananes vendues sur le marché au comptant, la situation est difficile »
5 juin 20203 questions à… John Ulimwengu, Chercheur à l’IFPRI (International Food Policy Research)
Quelles sont les répercussions actuelles et potentielles futures de la crise Covid-19 sur la production agricole en Afrique ?
Nous craignons de plus en plus que le continent africain soit fortement affecté par les effets directs et indirects du Covid-19. En effet, les capacités de ses systèmes de santé (nombre d’unités de soin intensifs ou de ventilateurs) sont globalement faibles, les économies sont particulièrement exposées au cycle du commerce mondial et particulièrement dépendantes à la demande des économies développées et l’accès à internet y est globalement plus limité que dans le reste du monde.
Il est plus probable que la situation de sécurité alimentaire et nutritionnelle va se détériorer à la suite de la pandémie de COVID-19. Les populations les plus fragiles, avec les habitants des zones urbaines mais aussi les personnes vivant dans des zones reculées, les travailleurs migrants et du secteur informel, les personnes en situation de crise humanitaire et évoluant au cœur des zones de conflit sont susceptibles de subir les pires conséquences.
En particulier, la capacité des pays africains à atteindre les objectifs agricoles, économiques et de sécurité alimentaire exprimés dans la Déclaration de Malabo de 2014 sur la croissance et la transformation accélérée du secteur agricole pour une prospérité partagée et de meilleures conditions de vie sera probablement compromise.
De manière plus spécifique, nous nous attendons à :
- un accès de plus en plus limité à la nourriture en raison de la réduction des revenus (licenciements, arrêt, etc.) parmi les populations les plus vulnérables;
- à des perturbations des chaînes d’approvisionnement (nationales et internationales) dues aux mesures de confinement
- à la flambée des prix des denrées alimentaires, alimentée par les différentes restrictions commerciales (interdictions d’exporter ou d’importer, barrières non tarifaires…) ou à un stockage excessif
A la lumière des failles observées durant cette crise, que recommandez-vous pour améliorer la résilience des systèmes alimentaires ?
Il n’y a pas de recette universelle, cela dépend des situations nationales, mais de manière générale, quelques solutions émergent, à différentes échelles.
A court terme, il faut mettre en place des programmes de filets de sécurité et de transferts monétaires bien ciblés. Pour assurer la continuité des flux de nourriture et éviter les réactions qu’on a pu observer « d’achats de panique » ou de « thésaurisation » il faut mettre en place une combinaison de politiques et d’investissement prioritaires qui doivent s’accompagner d’un programme d’urgence pour la reprise de la production agricole avec des marchés d’intrants opérationnels. Enfin, il faut réfléchir à des solutions innovantes aux contraintes de main d’œuvre pour des opérations de production en temps opportun, en particulier pour les systèmes de production à forte intensité de main d’œuvre.
A moyen et long terme, les états africains doivent accélérer la mise en œuvre des engagements de Malabo.
Selon vous, les nouvelles technologies peuvent-elles jouer un rôle dans cette dynamique ? De quelle manière ?
Les NTIC et la révolution des données ouvertes, avec la création de systèmes véritablement durables, promettent un changement radical dans la transformation des systèmes agricoles et alimentaires.
Les progrès dans différentes technologies ont conduit au concept d’agriculture de précision. Elle nécessite l’utilisation de nouvelles technologies, telles que des systèmes de géolocalisation, des capteurs, des images satellites ou aériennes et des outils de gestion de l’information. Les informations collectées peuvent être utilisées plus précisément pour estimer les engrais et autres intrants nécessaires et pour prédire avec précision les rendements des cultures, permettant d’éviter des pratiques qui conduisent au gaspillage des ressources sans tenir compte des conditions locales du sol ou climatiques. Les NTIC permettent également de mieux évaluer les situations locales de lutte contre les maladies. Au-delà de la production, les NTIC sont capables d’aider à la mise en place des plateformes digitales qui renforceront l’efficience des chaines de valeur agricoles à travers le continent.