AFRIQUE : Afruibana promeut l’agriculture durable et intègre l’IAM Africa
29 janvier 2021A l’initiative d’Afruibana, les producteurs africains de bananes publient leur Livre Blanc
21 avril 2021Quel bilan tirez-vous pour la banane africaine après cette année marquée et perturbée par la pandémie de la Covid-19 ? Il semble que tant du côté de l’offre que de la demande, les perturbations n’ont pas été majeures, à l’exception du Cameroun mais pour des raisons intérieures ?
Cela a été une année difficile pour toutes les productions Afrique-Caraïbes-Pacifique. Les problèmes du Cameroun se sont exacerbés avec les questions de production interne. Ce sont des problèmes conjoncturels et nous sommes en voie de les résoudre. Mais de manière globale, nous avons eu à faire face sur le marché à la rude concurrence que nous imposent les origines latino-américaines. Un sur-approvisionnement qui aurait du mieux être contrôlé. Les difficultés ont été aussi amplifiées par la Covid-19. La fermeture du marché de l’Europe de l’Est aux bananes latino-américaines a fait qu’elles se sont déversées avec de plus gros volumes sur le marché européen, ce qui a conduit à des baisses de prix significatives.
La baisse des prix s’est-elle accompagnée d’une diminution des volumes des origines africaines, hors Cameroun ?
Toute chose étant égal par ailleurs, il n’y a pas eu de chute véritable. On parle aujourd’hui d’un pays comme l’Equateur qui met en marché 7 millions de tonnes de bananes alors que l’ensemble des pays ACP peine à faire un peu plus d’un million de tonnes. Le problème n’est pas celui de l’augmentation du volume de mise en marché mais c’est la réponse à apporter à ce que nous pouvons considérer comme une concurrence déloyale. Les bananes d’origine latino-américaine ont déjà leur marché qui est les Etats-Unis mais nous ne pouvons pas y accéder. Au niveau des pays ACP, lorsque vous prenez la République dominicaine, située à quelques encablures des Etats-Unis, elle ne peut pas mettre un seul gramme de bananes sur le marché américain. Pour les origines ACP, notre marché principal c’est l’Europe. Lorsqu’il y a une distorsion de la concurrence avec un apport plus important sur le marché avec notamment les nouveaux venus, comme les pays andins, Pérou et autres, dont les volumes ne sont pas régulés, cela créé des tensions supplémentaires sur le marché.
Par rapport à l’appel d’Abidjan lancé en 2019, vous n’avez donc pas eu de réponses concrètes de la part de l’Union européenne sur la régulation du marché ?
Nous n’avons pas de réponse directe. Mais, nous avons eu des interlocuteurs qui se sont penchés sur ce sujet. Nous poursuivons les discussions et avec la publication d’un livre blanc dans quelques mois nous aurons une fenêtre de tir. L’Europe est attentive que cela soit au niveau du Parlement, de la Commission, du Conseil et même des gouvernements nationaux. Nous ne pouvons pas dire que cela a été un appel dans le vide. Mais c’est un travail de longue haleine.
Qu’en est-il pour les programmes de soutien aux producteurs ?
Il était important que l’accord post-Cotonou soit signé de manière à mettre en place les nouveaux instruments de financement. Aujourd’hui, dans les pays, nous sommes au stade de la pré- programmation avec les délégations locales de l’Union européenne et l’ordonnateur national de ce qui s’appelait le FED et nous veillons à ce que la banane soit prise en compte par le nouvel instrument de financement.
Vous avez déjà chiffré cet appui ?
En réalité nous allons travailler différemment de ce que nous faisions avec le FED où nous avions une enveloppe bloquée pour la banane. Aujourd’hui c’est une approche thématique. Par exemple, dans l’enveloppe infrastructures que pourra-t-on faire pour la banane aussi bien au niveau national que sous régional.
L’accord de partenariat avec l’UE ne piétine-t-il pas ?
Non, je ne le pense pas. L’accord conclu le 3 décembre 2020 est un accord très ambitieux et qui permettra d’entrer de manière concrète dans une relation gagnante-gagnante. Si l’accord a pris du temps c’est qu’il y avait des problèmes politiques et techniques à régler pour avoir un instrument qui règle pour les vingt prochaines années les relations entre l’Europe et l’Afrique. Il n’y a pas que le volet financier.
Quelles sont vos attentes cette année pour la banane africaine ? Ou les actions prioritaires à entreprendre ?
Nous allons poursuivre notre combat qui consiste à mettre en place un mécanisme de régulation. Un marché sans régulation est un marché voué à l’échec. Nous pensons aussi que si l’Union européenne a jusqu’à présent affiché son soutien à la banane africaine, il faut aujourd’hui que cela se matérialise par la mise en place d’instruments de gouvernance véritablement efficaces sur le marché. Que cela ne soit pas une usine à gaz. Nous allons aussi réaffirmé notre propre engagement au travers d’initiatives qui nous permettent d’améliorer l’empreinte carbone de notre production et donc de préserver la biodiversité. Il n’y a pas que le côté marché pour que nous puissions continuer à exister sachant que la banane est un moteur de développement dans les pays d’implantation.
A partir de juillet 2021, le commerce équitable veut imposer dans toutes les plantations certifiée Fairtrade un salaire de base (Lire : Nouveau salaire de base pour les producteurs de bananes Fairtrade), qui sera certainement supérieur à celui en vigueur, qu’en pensez-vous ?
Dans les trois pays membres d’Afruibana –Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana – je mets quiconque au défi de dire que les salaires qui sont versés ne sont pas des salaires décents. Je crois qu’il y a confusion entre les revenus, le niveau de vie et les salaires. Si vous avez un salaire de FCFA 100 000 et que les écoles des enfants sont à 50 km vous êtes obligés d’avoir deux foyers, votre salaire est peut-être décent selon la définition mais est-ce qu’il vous permet en réalité de vivre ? Un effort est fait et il faut pouvoir intégrer dans le salaire décent toutes les prestations qui sont fournis par les plantations.
Entretien paru dans Commodafrica le 09 mars 2021.