Terminal fruitier d’Abidjan : Visite de parlementaires allemands

Les membres du groupe parlementaire Afrique de l’Ouest du Bundestag, en collaboration avec le groupe d’amitié germano-ivoirien, ont effectué durant le mois de juillet un voyage d’étude en Côte d’Ivoire.

Les 3 enjeux de la rencontre

Les membres du Groupe parlementaire Afrique de l’Ouest du Bundestag en collaboration avec le Groupe d’amitié germano-ivoirien, ont effectué un voyage d’étude en Côte d’Ivoire, la semaine dernière. Ce voyage a été sollicité par Afruibana, Association panafricaine de défense des intérêts des producteurs de fruits. Arrivée en terre ivoiriennes, les parlementaires ont visité des plantations de cacao et de bananes à Tiassalé et effectué des séances de travail avec leurs homologues ivoiriens. L’une des dernières étapes de leurs séances de travail, a été la visite des installations du Terminal fruitier suivie d’échanges avec les acteurs clés de l’import-export de fruits, le jeudi 29 juin 2023 en fin d’après-midi. En présence de plusieurs autorités dont les représentants des ministères du Commerce et des Transports, Diarrassouba Tahirou, Secrétaire général de la Communauté portuaire d’Abidjan (CPA), Jean-Marc Yacé, Directeur général d’EOLIS a souhaité la traditionnelle bienvenue aux parlementaires allemands avec à leur tête, le Docteur Karamba Diaby ainsi qu’à la délégation d’Afruibana, conduite par Owona Kono Joseph. M. Yacé a saisi l’occasion pour présenter sa structure dont la diversité des métiers (Consignation, transit, logistique, transport terrestre, manutention, réparation de Conteneurs DRY) constitue une force. Diarrassouba Tahirou lui, a au nom du Directeur général du Port autonome d’Abidjan, salué et soutenu l’initiative. « La Communauté portuaire suit ce dossier avec beaucoup d’intérêts », a-t-il ajouté. Il est important de souligner  que dans le cadre de cette visite, 3 thèmes d’études ont été abordés ; à savoir: les enjeux commerciaux, les enjeux sociaux et les enjeux environnementaux.

1- Enjeux commerciaux

La banane ivoirienne, leader des pays producteurs en Afrique, est une locomotive des filières horticoles du pays. Fortement créatrice d’emplois, avec plus de 13 000 emplois directs, la filière de la banane ivoirienne génère près de 25 000 emplois indirects et ses exploitations agricoles induisent la création d’infrastructures essentielles telles que des routes, des écoles, des centres de soin…La filière ivoirienne produit 400 000 tonnes de bananes par an et en exporte 320 000 tonnes vers l’UE. Ainsi, la banane ivoirienne est une filière importante et structurante qui s’inscrit dans la volonté poursuivie par le gouvernement de Patrick Achi, dans le cadre du Plan national de développement ; de dynamiser le secteur agricole afin qu’il participe activement au dynamisme et à l’attractivité du pays. Néanmoins, ce secteur fait face à une concurrence asymétrique des producteurs latino-américains qui exportent 15 millions de tonnes, dont 4,6 vers l’UE, soit 14 fois les volumes ivoiriens. Face à l’hégémonie latino-américaine, depuis 6 ans les producteurs africains se sont réunis au sein d’une Association Panafricaine, Afruibana. Cette concurrence asymétrique a pour effet de créer une pression constante et conséquente à la baisse sur les prix. Il est important de pouvoir assurer les conditions d’une concurrence équilibrée. C’est dans ce contexte que l’Espagne va assurer, à partir de juillet 2023 et pour six mois, la présidence tournante du Conseil de l’UE. Durant cette période, c’est ainsi l’Espagne qui définira l’agenda et les priorités politiques de l’Union. Cette présidence porte une volonté de développement avec les pays de la région Amérique latine et Caraïbes (ALC) et remet tout particulièrement à l’agenda, l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur. En effet, l’Union Européenne a prévu à son agenda de renforcer le partenariat de l’UE avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Dans une déclaration publiée début juin 2023, l’UE propose un partenariat stratégique plus fort et modernisé, au travers d’un engagement politique renforcé, visant la dynamisation du commerce et de l’investissement et la construction de sociétés plus durables, plus justes et plus interconnectées par le biais d’investissements dans le cadre du « Global Gateway ». C’est dans ce contexte que s’inscrit la visite des hauts représentants allemands. Cette visite doit permettre de les sensibiliser à la nécessité de ne pas approfondir les échanges avec l’Amérique latine au détriment de ceux avec l’Afrique. C’est par ailleurs, l’occasion pour le secteur africain de la banane de mettre en avant sa différenciation en termes de qualité et de conditions sociales et environnementales de productions.

2- Enjeux sociaux

D’un point de vue social, les producteurs africains se distinguent par une promotion active du dialogue social. Celle-ci se traduit par une dynamique intersyndicale, qui a permis à la première Association nationale des travailleurs ivoiriens de la banane (FETBACI) de voir le jour. Les membres du bureau exécutif de FETBACI prendront part à l’ensemble de la journée de visite avec la délégation et auront la possibilité d’échanger avec les autorités allemandes pour témoigner des enjeux du secteur. Ce dialogue syndical apaisé s’inscrit dans une démarche globale de la filière de la banane africaine qui participe concrètement à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, de leurs familles et des communautés locales. Un des engagements majeurs et indiscutables des producteurs de banane africains est celui d’une Tolérance zéro pour le travail des enfants et le travail forcé, qui malheureusement affectent d’autres pays producteurs mondiaux de banane. Les producteurs africains ont également un impact positif sur les lieux d’exploitation avec le développement d’infrastructures d’accès aux services de base (eau, éducation, santé, logement etc.). Les producteurs contribuent également à l’essor du tissu économique local en stimulant et en encourageant l’agri-entrepreunariat. Enfin, des initiatives pour rééquilibrer la parité femme-homme au sein des structures de gestion sont en cours. De même, les producteurs mènent des actions afin de soutenir l’autonomisation des femmes.

3- Enjeux environnementaux

Sur le volet environnemental, les producteurs africains ont initié leur transition agro-écologique depuis plus de dix ans. Ils souhaitent désormais porter à plus grande échelle cette démarche. En partenariat avec le CIRAD, Afruibana développe, en effet un projet de bananes agro-écologiques en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Ghana avec la triple ambition d’améliorer la performance environnementale des plantations, de réduire les coûts de production et d’augmenter les rendements. Des discussions, placées sous l’égide du Forum mondial de la banane sont actuellement en cours autour du concept de la « responsabilité partagée ». Il s’agit d’une approche au travers de laquelle les risques et la valeur sont équitablement partagés le long de la chaîne d’approvisionnement, permettant ainsi aux agriculteurs de partager les coûts avec les acheteurs et d’être récompensés pour leurs efforts en faveur de pratiques agricoles plus durables. Cette approche, doublée de recherche de ‘’prix justes’’ permettra la réalisation durable est de « salaires décents« . Aujourd’hui, les risques pèsent majoritairement sur les producteurs. En effet, la grande distribution utilise la banane comme produit d’appel, pour faire venir les consommateurs dans les magasins et gardent 30 à 40 % du prix de la banane. Une situation qui, en temps de transition, n’est pas tenable.

Rôle stratégique du Terminal fruitier :

Le Terminal fruitier, géré par EOLIS une Agence maritime, membre du Groupe Compagnie Fruitière, joue un rôle essentiel dans les import-export de produits alimentaires entre l’UE et l’Afrique. Avec plus de 500 000 tonnes de fruits traitées par an et une maîtrise de la chaîne du froid, le Terminal fruitier dispose d’infrastructures et d’équipements adaptés lui permettant de répondre aux enjeux spécifiques liés aux denrées périssables et au secteur agroalimentaire. Si l’Afrique est géographiquement plus proche de l’UE que l’Amérique latine, elle n’en sera pas moins confrontée à une augmentation des coûts de transport liée à la mise en œuvre, dès 2024, de la taxe européenne carbone sur le transport maritime. Il est donc essentiel de permettre à ce pont entre les continents d’appréhender les transformations réglementaires en cours et de le doter des moyens de son développement à l’avenir.

Les missions d’Afruibana
Afruibana est une association panafricaine de producteurs et d’exportateurs de fruits africains. Née du regroupement de plusieurs communautés de la filière fruiticole en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Ghana, elle est le porte-voix des producteurs africains auprès des institutions internationales. Si la majorité des membres de l’association sont aujourd’hui des producteurs de bananes, Afruibana est une plateforme ouverte qui a vocation à fédérer les producteurs de fruits africains et à défendre leurs intérêts de façon globale. Pour mener à bien cette mission, la présidence de l’association a été confiée à Joseph Owona Kono. Il travaille en étroite collaboration avec Jean-Marie Kakou-Gervais, et Anthony Kofi Blay, Vices-Présidents d’Afruibana.

Propos recueillis

Jean-Marc Yacé, Directeur général d’EOLIS

« Je suis le premier producteur de banane bio »

Nous recevons une délégation qui vient du parlement allemand. Nous sommes allés leur montrer ce matin, les plantations, le processus de planting, de récolte, de conditionnement et l’acheminement au quai fruitier. Là, ils viennent voir comment la logistique se passe au niveau de la Côte d’Ivoire : le chargement sur le bateau, l’exportation. Je pense qu’ils ont vu. Ils sont satisfaits. L’intérêt pour nous est de pouvoir permettre à ces parlementaires d’augmenter la commercialisation ; c’est-à-dire défendre et faciliter au niveau de l’Union européenne, les taxes sur la commercialisation de la banane africaine. Nous disons merci à Afruibana qui a organisé cette rencontre avec EOLIS et la SCB du Groupe Compagnie fruitière. Je pense que cela va augmenter la vente de la banane et des fruits au niveau de l’Europe. La banane se produisait seulement dans le Sud du pays. Mais maintenant nous en produisons dans le Nord. Nous avons même de la banane bio dont je suis le premier producteur. La banane se porte assez bien. Nous sommes même le numéro 1 en matière de production dans la sous-région.

Owona Kono Joseph, président d’Afruibana

« Nous attendons un soutien ferme de l’Allemagne… »

Nous avons voulu accompagner la visite des parlementaires. Car vous savez qu’en Europe, il y a des poids lourds dont l’Allemagne et la France qui appartiennent à l’Union européenne qui est notre principal marché. Si nous avons un gros calibre pour un marché aussi important que l’Allemagne, si nous avons des parlementaires qui se déplacent pour venir voir ce qui se passe, il était important que nous puissions consacrer cette journée pour cette rencontre. En faisant voir aux parlementaires ce que nos frères et sœurs savent faire au niveau des plantations, au niveau du Terminal fruitier, nous attendons un soutien ferme de l’Allemagne pour obtenir un prix juste et équitable sur le marché, pour nous permettre de continuer à œuvrer pour la préservation de l’environnement, à la promotion d’une agriculture durable et responsable. Au niveau de nos produits, nous avons gagné la bataille de la qualité. Mais sur le marché, nous sommes gênés par la surproduction de certaines origines qui font qu’on a l’impression d’être aphones et qu’on n’a aucun contrôle sur les prix. Nous comptons sur l’appui des parlementaires pour obtenir ce que j’ai qualifié de prix justes et équitables.

Dr Karamba Diaby, président du Groupe parlementaire du Parti Social-Démocrate (SPD), chef de délégation

« Nous sommes rassurés et très satisfaits de ce que nous avons vu »

Nous avons eu la possibilité de voir la production de la banane, des fleurs aux fruits et l’embarquement pour l’Europe. Je pense que les personnes qui travaillent dans ce secteur doivent avoir des salaires qui leur permettent de vivre et doivent surtout travailler dans les meilleures conditions. Le parlement allemand va contribuer à améliorer ces conditions. La coopération allemande est en train d’œuvrer pour que nous appuyions les efforts qui sont fournis en Afrique de l’ouest. Nous savons que la concurrence avec l’Amérique latine est très forte. Nous sommes rassurés et très satisfaits de ce que nous avons vu durant ces deux jours. Le travail qui se fait ici est de manière très professionnel. Nous saluons ces engagements, les institutions qui sont derrière et nous allons continuer à les soutenir.

Journal Le Nouveau Navire – Numéro 780